Cannabis : un nouvel potentiel thérapeutique en médecine vétérinaire ?
Merci à
Luca ZILBERSTEIN
DMV, PHD, Enseignant chercheur Directeur du Service d’Anesthésie – Analgésie et Réanimation du CHV ADVETIA
et à Pierre MAY
DMV, Diplômé IMEV – DIU Phytothérapie Chargé de cours ENVL – AVETAO pour la relecture de cet article
Récemment, l’intérêt pour l’utilisation possible de composés phytothérapeutiques à base d’extraits de Cannabis sativa gagne du terrain en médecine vétérinaire.
Cannabis sativa est une variété de chanvre contenant une série de principes actifs comprenant des phytocannabinoïdes, des terpènes et des flavonoïdes.
Il a été scientifiquement prouvé chez l’homme que la combinaison de tous ces principes actifs (phytocomplexe) permettait de moduler de nombreux processus physiologiques et physiopathologiques.
Cette modulation résulte principalement de leur interaction avec le système endocannabinoïde, à la fois par une action directe sur les récepteurs et à la suite d’un « effet d’entourage ».
Médecine humaine: Cannabis et cannabinoïdes en rhumatologie
L’avis du Pr Serge Perrot (Centre de la douleur Hôpital Cochin Paris)
Source : https://www.mediscoop.net/rhumatologie/ Mediscoop
mediscoop.net est un site dédié à l’actualité médicale et à la santé
L’utilisation en médecine vétérinaire de produits contenant les différents principes actifs semble être plutôt prometteuse pour le traitement de la douleur (arthrose, neuropathie, cancer, etc.) et de certaines maladies neurologiques épilepsie névrite, déficience cognitive des chiens et des chats âgés).
De plus, leur utilisation ne serait pas associée à l’apparition d’effets secondaires, même suite à un usage à long terme. Pour cette raison, leur inclusion dans le contexte des protocoles de soins vétérinaires pourrait être largement acceptée à l’avenir. Compte tenu de la nouveauté et de l’intérêt du sujet, cet article vise à familiariser le vétérinaire avec le système endocannabinoïde, ses fonctions et surtout les possibilités thérapeutiques qu’il offre, grâce à l’interaction avec des cannabinoïdes exogènes extraits de cannabis.
TAKE HOME MESSAGE
1° La résine du cannabis contient le phytocomplexe représenté par plus de 800 molécules (phytocannabinoïdes, terpènes et terpénoïdes, flavonoïdes). Le pourcentage de phytocannabinoïdes varie considérablement en fonction de la variété de cannabis, de la partie de la plante considérée et des différentes conditions de culture.
2° Les récepteurs cannabinoïdes sont omniprésents à tous les niveaux des voies de la douleur.
3° Le THC (responsable de l’effet psychotrope du cannabis) se lie principalement aux récepteurs CB1
4° Le CBD (dénué de propriétés psychoactives) se lie principalement aux récepteurs CB2 : propriétés antipsychotiques, neuroprotectrices, sédatives, hypnotiques, anticonvulsives, anti-inflammatoires et analgésiques.)
5° Les cannabinoïdes endogènes et exogènes se sont révélés efficaces dans pratiquement l’ensemble des modèles animaux de douleur utilisés jusqu’à présent, et ce, quelle que soit la voie d’administration utilisée. Cependant ils ne semblent pas efficaces dans le traitement de la douleur aiguë soit chez les volontaires sains soit en période postopératoire.
6° Dans l’ensemble des études de qualité portant sur les douleurs chroniques, les cannabinoïdes ont eu un effet analgésique modéré mais significatif mais souvent associé à des effets secondaires (dysphorie, confusion, vertige, tachycardie dose-dépendante.
7° Les cannabinoïdes sont efficaces dans le traitement de la douleur et de la spasticité chez des patients atteints de sclérose en plaques.
8° L’évaluation des effets à long terme des cannabinoïdes nécessite davantage de données, notamment sur les bienfaits analgésiques, les populations cibles, les interactions médicamenteuses, la tolérance, l’impact cognitif et les risques de dépendance psychologique.
9° La toxicité du THC chez les chiens et chats est réélle. Des interactions pharmacocinétiques sont possibles et doivent inciter à une grande prudence lors de la prescription d’autres antalgiques.
10° Le cannabidiol pourrait être intéressant dans la prise en charge des douleurs chroniques chez les animaux de compagnie en raison d’effets anxiolytiques, antidépresseurs et d’effets bénéfiques sur la qualité du sommeil venant ainsi diminuer la perception de la douleur et améliorer la qualité de vie.
RECOMMANDATIONS IMPORTANTES SUR LA LEGISLATION
1° La réglementation française prévoit que toutes les opérations concernant le cannabis sont interdites, notamment sa production, sa détention et son emploi:
Article R. 5132-86 I -1°du code de la santé publique (CSP)
Dès lors, tout produit contenant du cannabidiol extrait de la plante de cannabis est interdit sauf s’il entre dans le cadre de la dérogation ci-après mentionnée.
2° Les tétrahydrocannabinols sont des substances inscrites sur la liste des stupéfiants:
Arrêté du 22 février 1990 fixant la liste des substances classées comme stupéfiants
Leur utilisation est donc strictement encadrée.
La présence de THC dans les produits finis, quel que soit son taux, est interdite.
Certaines variétés de cannabis ou de chanvre, dépourvues de propriétés stupéfiantes, peuvent être utilisées à des fins industrielles et commerciales sous trois conditions cumulatives :
- les variétés de chanvre autorisées figurent sur une liste:Arrêté modifié du 22 août 1990 portant application de l’article R. 5132-86 du CSP
- seules les graines et les fibres peuvent être utilisées. L’utilisation des fleurs ou des feuilles est quant à elle interdite ;
- la plante doit avoir une teneur inférieure à 0,2% en THC. Le taux de 0.2 % de THC n’est pas un seuil de présence de THC dans le produit fini mais dans la plante elle-même. Or, des contrôles réalisés dans certains produits présentés comme contenant du CBD ont révélé la présence de THC.
3° Aucune vertu thérapeutique ne peut être revendiquée notamment par les fabricants, vendeurs de produits contenant du CBD.
Toutes les publicités portant allégations de vertus thérapeutiques sont interdites (à l’exception des médicaments bénéficiant d’une AMM).
En France, les seuls produits contenant des tétrahydrocannabinols et du CBD pouvant revendiquer des allégations thérapeutiques sont les médicaments autorisés par l’ANSM ou la Commission européenne sur la base d’un dossier évalué selon des critères scientifiques de qualité, sécurité et efficacité.
Le non-respect de cette réglementation est passible de sanctions pénales.