Concentrations plasmatiques obtenues après l’application d’un patch de fentanyl chez les poules.
Concentrations plasmatiques obtenues après l’application d’un patch de fentanyl chez les poules.
Plasma Concentrations of Fentanyl Achieved With Transdermal Application in Chickens. Delaski KM, Gehring R, Heffron BT, et al. J Avian Med Surg. 2017 Mar;31(1):6-15
Introduction
Chez les poules, la présence de récepteurs µ, κ, et δ a été identifiée dans l’encéphale. Il a été montré que l’utilisation d’agonistes des récepteurs µ et κ permettait de réduire la concentration minimum alvéolaire (MAC) de l’isoflurane chez des poules adultes, indiquant que ces deux types de récepteurs étaient présents chez la poule et que leur stimulation engendrerait des effets analgésiques ou anesthésiques.
Dans la plupart des études publiées, en particulier chez les psittacidés, le butorphanol, agoniste κ, est considéré comme l’analgésique de choix. Cependant, les résultats indiquent que la demi-vie de cette molécule est courte chez les poulets de chair lors d’une administration parentérale. Ce résultat est retrouvé chez les psittacidés, et chez les rapaces. Chez la pintade, l’injection intraveineuse de butorphanol n’entraine qu’une faible réduction de la MAC de l’isoflurane et possède un effet court.
Chez les poules, le butorphanol a des effets analgésiques lors d’injection sous cutanée. Par contre dans cette même étude, il a été montré que la morphine engendrait un effet plus sédatif qu’analgésique. D’autres études, ont montré que la morphine pouvait avoir des effets analgésiques, mais aussi hyperalgésiques.
Trois études cliniques ont été réalisées à ce jour sur l’utilisation du fentanyl chez les oiseaux. Chez le cacatoès à huppe blanche, l’injection de fentanyl en intra musculaire permet d’atteindre une concentration plasmatique considérée comme analgésique chez l’homme, mais de très faibles et très courtes propriétés analgésiques ont été démontrées. Chez la buse à queue rousse, l’injection intraveineuse de fentanyl permet de réduire la MAC de l’isoflurane. La même propriété a été démontrée chez l’amazone d’hispaniola, mais à des doses plus importantes.
Matériel et méthodes
Pour cette étude, dix poules pondeuses adultes de 4 races différentes (Brahma, Delaware, Redstar, Wyandotte) furent utilisées.
Deux semaines avant la manipulation, du sang fut collecté à partir de la veine jugulaire afin de service de valeur de référence.
Un patch de 25µg/h (Durogesic®) fut placé après avoir plumé les poules sur une surface de 4cm² en regard du muscle ilio-psoas.
Le patch fut retiré au bout de 72 heures.
Du sang fut collecté à la veine jugulaire à : 2, 4, 6, 8, 12, 24, 33, 48, 72, 81, 96 et 105 heures.
Les concentrations de fentanyl dans le plasma sanguin furent mesurées grâce à un appareil de chromatographie liquide à haute pression.
L’état des animaux était évalué tout au long de la manipulation afin de rechercher d’éventuels effets secondaires.
Résultats
Aucunes des poules n’a présenté d’effets secondaires pendant ou après que le patch fut posé. Leur état de vigilance, leur appétit, et leur transit sont restés normaux. Les poules n’ont pas essayé de retirer leur patch.
La courbe de pharmacocinétique montre des variations interindividuelles significatives. Cependant, les concentrations plasmatiques du fentanyl des poules ont atteint les concentrations plasmatiques considérées comme analgésiques chez l’homme entre 4 et 72 heures. Après le retrait du patch, les concentrations plasmatiques de fentanyl ont très rapidement chuté pour devenir quasi indétectables 12 heures après le retrait du patch.
Discussion
Dans cette étude, des variations interindividuelles ont pu être notées. En particulier, 3 poules ont présenté des absorbions et des concentrations plasmatiques bien plus élevées que le reste du groupe. Cela pourrait être expliqué par des variabilités d’absorption. La principale limite de l’absorption de fentanyl via les patchs transdermiques est le passage au travers du stratum corneum, la couche la plus superficielle de la peau. Chez le lapin, des patchs de fentanyl ont été appliqués chez des animaux dépilés chimiquement et chez des animaux tondus. Dans le premier groupe, le fentanyl fut absorbé rapidement alors que dans deuxième groupe, la concentration plasmatique n’était pas détectable. Ce résultat fut attribué à la repousse rapide du poil de lapin réduisant l’adhérence du patch et donc la bonne diffusion du fentanyl. La peau plumée des poules ne semblait pas présenter d’irrégularités pouvant réduire l’adhérence du patch. Après 72 heures, aucune trace de repousse de plumes n’était présente. Cependant, le nombre et le positionnement des follicules plumeux vides peuvent potentiellement avoir joué un rôle dans la rapidité d’absorption du fentanyl. Une autre explication pourrait-être le fait que plusieurs races de poules ont été utilisées dans cette étude et qu’il peut exister des variabilités entre les races.
Cette étude n’étant que pharmacocinétique, celle-ci ne permet pas de prouver l’efficacité analgésique des patchs de fentanyl chez la poule. Cependant, elle permet de valider son innocuité et la validité de sa méthode de placement.
A retenir
Des patchs de fentanyl de 25µ/h peuvent être utilisés de manière sécuritaire chez la poule pendant 72h. Ceux-ci permettent d’atteindre une concentration plasmatique définie comme analgésique chez l’homme entre 4 heure et 72 heures après application. Si de nouvelles études sont nécessaires pour le prouver, cliniquement, ces patchs semblent efficacement procurer de l’analgésie aux poules.
Pour aller plus loin
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Hughes RA. Strain-dependent morphine-induced analgesic and hyperalgesic effects on thermal
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