Évaluation de l’utilisation d’anesthésie et d’analgésie chez les reptiles.

17 décembre 2019

Read MR. Evaluation of the use of anesthesiaand analgesia in reptiles. JAVMA, Vol 224, No. 4, February 15, 2004. 547-552.

Pharmacocinétique du mavacoxib chez les Flamant des Caraïbes (Phoenicopterus ruber ruber)
Gail L. Huckins, James W. Carpenter, Sara Dias, and Butch KuKanich.​

Introduction

Les reptiles deviennent de plus en plus populaires comme animaux de compagnie et se trouvent couramment dans les collections zoologiques en Amérique du Nord. Comme d’autres espèces en captivité, les reptiles sont évalués par des vétérinaires pour une variété de maladies et pour réaliser des interventions chirurgicales. La gestion adéquate de la douleur chez ces animaux est une priorité pour les vétérinaires. Des études doivent être menées afin de valider les méthodes d’identification de la douleur, de déterminer les courbes pharmacocinétiques d’agents analgésiques, et de développer des méthodes d’évaluation de l’efficacité analgésique de ces molécules. Cependant, aujourd’hui, peu de publications sont disponibles.
Le but de la présente enquête est d’étudier les techniques d’anesthésie et de gestion de la douleur utilisées par les vétérinaires chez les reptiles.

Matériels et méthodes
Un questionnaire a été envoyé aux 1091 membres de l’Association des Vétérinaires de Reptiles et d’Amphibiens (ARAV) résidant en Amérique du Nord. Les membres de cette association comprennent des vétérinaires, des étudiants en médecine vétérinaire, des ASV exerçant en cabinet privé, en zoo et en université. Le questionnaire était composé de 21 questions. Un programme de gestion de base de données a été utilisé pour analyser l’ensemble des questionnaires. Des statistiques descriptives ont été calculées.


Résultats
367 des 1091 (33,6%) personnes interrogées ont rempli le questionnaire. 88,8% utilisaient des protocoles gazeux (en particulier isoflurane) pour l’anesthésie. La kétamine, le propofol etle butorphanol étaient les molécules injectables les plus couramment utilisées. Le monitoring le plus utilisé était l’oxymétrie de pouls et le Doppler. Les complications les plus fréquentes étaient les dépressions respiratoires, des difficultés à surveiller la profondeur de l’anesthésie, des réveils longs et des hypothermies.

Presque tous les participants (98,4%) ont répondu par l’affirmative lorsque on a demandé s’ils pensaient que les reptiles pouvaient ressentir de la douleur.71,4% des participants ont répondu que la moitié de leurs clients étaient concernés par l’utilisation d’analgésiques chez les reptiles. 60,5% des participant avaient un discours sur l’importance de la gestion de l’analgésie chez les reptiles. 20,4% jugeaient que leurs connaissances sur la gestion de l’analgésie chez les reptiles était bonne.

39, 5% des participant ont déclaré utiliser des analgésiques chez plus de 50% de leurs patients.

75,5% des participants ont déclaré évaluer la douleur en extrapolant cette douleur sur la base d’une procédure similaire chez d’autres espèces, 65,4% utilisaient des changements de comportement (attitude, appétit, posture et vocalisation) et31,6% des changements physiologiques (fréquence cardiaque et respiratoire).

51,2% n’utilisent pas en routine des AINS chez les reptiles. Interrogés sur les sources potentielles d’information sur lesquels les participants ont basé leur utilisation d’analgésiques chez les reptiles, 80,9% ont déclaré utiliser des livres de référence sur les reptiles,78,9% des conférences, 69,8% des expériences personnelles, 65,7% des articles de recherche, 64,9% des doses extrapolées des carnivores domestiques, et 56,4% ont déclaré utiliser des informations obtenues à partir de forums de discussion sur Internet.

Les participants ont été invités à suggérer des idées de thème de recherches pour améliorer la prise en charge de leurs patients. 39,9% ont suggéré la réalisation d’études de pharmacocinétique afin d’établir des posologies et une fréquence d’administration adaptées ainsi que des études de toxicités pour connaitre l’incidence des effets indésirables et la sécurité de l’utilisation des molécules chez les différentes espèces de reptiles. 26,1% ont suggéré d’enquêter sur l’efficacité comparative des différentes molécules chez différentes espèces et afin de connaitre les réponses cliniques à l’administration des analgésiques. 13,4% des participants ont suggérer l’établissement d’indicateurs permettant une évaluation subjective et objective de la douleur dans les modèles de recherche. 8,0% souhaiteraient des études de physiologie de la douleur pour mieux décrire les voies de la transmission de la douleur et identifier la présence et la distribution des récepteurs opioïdes ainsi que des autres récepteurs modulant la douleur chez les différentes espèces de reptiles. 8,0% demandent spécifiquement une enquête sur les anti-inflammatoires non stéroïdienschez les reptiles en termes de cinétique, d’innocuité et d’efficacité des médicaments. 3,3% suggèrent de mener à grande échelle,des essais cliniques multicentriques pour évaluer l’efficacité de différentes molécules analgésiques chez les reptiles traités pour une variété de problèmes. Enfin 1,4% souhaiteraient des recherches portant sur l’utilisation d’analgésiques administrés par voie orale qui pourraient être prescrits aux clients dans le cadre d’une utilisation à long terme chez les reptiles à la maison.


Discussion
La capacité à ressentir la douleur est généralement supposée liés à la position phylogénétique. Jusqu’à récemment, le manque d’informations a conduit à l’idée fausse que les espèces non mammifères ne ressentaient pas la douleur. Les structures anatomiques, mécanismes physiologiques et biochimiques composants la base de la perception de la douleur chez les mammifères existent également chez les espèces non mammifères. Malheureusement, peu d’études ont évalué la reconnaissance, l’évaluation et le traitement de la douleur chez les reptiles en milieu clinique et, par conséquent, il y a un manque d’informations sur lesquelles fonder des décisions cliniques impliquant la gestion de la douleur. Cette enquête a révélé qu’il existe un grand intérêt pour la gestion de la douleur par les praticiens. Presque toutes les personnes interrogées pensaient que leurs patients reptiles avaient la capacité de ressentir la douleur, et la plupart ont souligné l’importance de la gestion de la douleur chez leurs patients. Cependant, plus de 75% décrivent leur connaissance de l’analgésie chez les reptiles comme inadéquate. Cette étude a révélé que les analgésiques sont généralement administrés aux reptiles avant et après une intervention chirurgicale. Parmi les lézards, les serpents et les chéloniens, près des deux tiers avaient reçu un analgésique à titre préventif, suivi d’une dose supplémentaire après une procédure douloureuse. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont utilisés par la moitié des personnes questionnées lors de la gestion de la douleur. À ce jour, il n’y a eu aucune étude complète évaluant l’efficacité, l’innocuité ou l’utilisation des AINS comme analgésiques chez les reptiles, et les doses rapportés par les participants à cette étude étaient généralement similaires à ceux rapportés chez les carnivores domestiques (le plus souvent à partir de doses utilisées chez les chiens). Cette enquête a montré des utilisations extrêmement variables des posologies de molécules au sein d’un même taxon. Par exemple, la dose de butorphanol variait de 0,02 mg/Kg à 25 mg/Kg, avec des fréquences d’administration de 4 à 48 heures. Considérant qu’il a récemment été démontré que cet opioïde n’a pas d’effet analgésique chez plusieurs espèces de reptiles communément rencontrées en consultation il est essentiel d’améliorer la transmission de l’information et de soutenir la recherche dans le domaine de l’analgésie chez les reptiles.

A retenir

Réaliser une anesthésie chez un reptile est considéré difficile par les vétérinaire Nord-Américains. La profondeur de l’anesthésie est mal évaluée, les paramètres vitaux ne sont pas assez surveillés en comparaison avec les carnivores domestiques. La mise en place de protocoles d’analgésie reste peu fréquente. Les vétérinaires questionnés estiment qu’ils ont besoin de plus de données scientifiques concernant la physiologie de la douleur, son évaluation, la réponse aux molécules analgésiques et les pharmacocinétiques de ces molécules. De plus la transmission de ces informations aux praticiens doit être améliorée.

Pour aller plus loin

Bennett RA. Reptile anesthesia. SeminAvianExotic Pet Med1998;7:30–40.
Mosley CA, Dyson D, Smith DA. Minimum alveolar concentrationof isoflurane in green iguanas and the effect of butorphanolon minimum alveolar concentration. J Am Vet Med Assoc 2003;222:1559–1564.
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