Influence du surpoids dans l’apparition de l’arthrose

6 décembre 2021

Influence du surpoids dans l’apparition de l’arthrose

Introduction

L’obésité est un problème de santé publique chez l’homme et chez l’animal. On considère qu’aux Etats Unis 33% des adultes sont obèses, et jusqu’à 41% de la population canine présente un surpoids.
L’obésité canine et féline a pris des proportions pandémiques depuis quelques années, elle est associée à de nombreux autres problèmes de santé incluant l’apparition de pathologies urinaires, cutanées, endocriniennes ou tumorales et d’affections ostéo-articulaires dont l’arthrose est la plus importante.
L’arthrose est une maladie dégénérative atteignant les articulations qui présente une prévalence importante chez le chien, touchant au minimum 20% des chiens adultes.
Les signes radiographiques d’arthrose chez le chat varient de 16 à 91% en fonction des revues, ils sont particulièrement présents chez le chat âgé.
Chez l’homme comme chez le chien, l’arthrose est la cause la plus commune de douleur et d’inaptitude physique. L’obésité a depuis longtemps été considérée comme un facteur prédisposant l’apparition de l’arthrose et aggravant les signes cliniques chez l’homme comme chez l’animal. De nombreuses revues rapportent une association entre arthrose du genou et obésité chez l’homme. En médecine vétérinaire, l’association entre l’arthrose de la hanche et le surpoids est établie. 

Pathogénie de l’arthrose

La cause initiatrice de l’arthrose, chez l’homme ou l’animal, reste inconnue.
On peut distinguer deux types d’arthrose : les maladies primaires ou secondaires du cartilage articulaire.
L’arthrose primaire peut être due à des chocs répétés sur l’articulation, à l’âge ou à une prédisposition génétique (ex : dysplasie de la hanche retrouvée dans certaines populations, humaine ou animale).
L’arthrose secondaire peut découler de maladies orthopédiques, de blessures ou de congruence anormale de l’articulation. Plus précisément : les facteurs prédisposant l’apparition d’arthrose chez le chien sont la dysplasie du coude et de la hanche, les chirurgies orthopédiques, la rupture du ligament croisé crânial, les fractures articulaires ou les incongruités dues à des malformations des membres en particulier.
Dans ces contextes, l’inflammation de l’articulation est permanente et l’organisme tente de maintenir la stabilité de l’articulation grâce à une prolifération osseuse. Celle-ci correspond à un processus inflammatoire articulaire où prédomine une dégradation voir une perte des protéoglycanes de la matrice extracellulaire, résultant en une modification générale de l’anatomie du cartilage articulaire. 
La pathogénie repose sur la destruction du cartilage et de l’os souschondral, histologiquement apparaissent des fissures du cartilage.
L’articulation arthrosique se caractérise par une diminution de ses capacités élastiques malgré les tentatives de réparation des chondrocytes et par une densification de l’os souschondral qui augmente l’ossification de l’articulation. Plusieurs marqueurs de ce processus dégénératifs ont été identifiés : prostaglandines E2 (PGE2),  métalloprotéinases (MMPs), substance P, facteur tumoral nécrosant (TNF-alpha), interleukines pro-inflammatoires telles qu’IL1, IL6, IL10 et leucotriènes accompagnent ces modifications ; du fait de leur action sur le stress oxydatif, ils participent à l’avancement de la destruction de l’articulation arthrosique.

Le chien, un modèle d’étude de l’arthrose chez l’homme.

La relative courte durée de vie du chien par rapport à l’homme permet une comparaison longitudinale de la maladie arthrosique entre les deux espèces et des thérapeutiques mises en place lors de signes cliniques d’arthrose. Pour autant la position quadrupède du chien par rapport à la position bipède de l’homme doit être prise en compte. Chez le chien, la répartition du poids est de 60% sur les membres antérieurs et de 40% sur les membres postérieurs, avec une angulation de 20 degrés environ sur l’articulation fémoro-tibiale qui pourrait présenter des conséquences sur le développement de l’arthrose, encore inconnues.
Certains aspects épidémiologiques doivent aussi être soulignés, puisque cette maladie est influencée chez le chien par la race, la taille, le poids, le sexe, l’âge et la stérilisation.
L’obésité, par exemple, est connue pour être un facteur de risque chez l’homme mais évaluer l’importance de son rôle dans le développement de l’arthrose se révèle être un challenge. Chez le chien, une étude a montré que lorsque deux groupes de chien de caractéristiques épidémiologiques identiques sont nourris de manière différentes (ad libitum ou de manière restrictive), il existe une nette différence dans le délai d’apparition d’arthrose ; 25% des chiens nourris ad libitum versus 4% chez les chiens à alimentation restreinte présentent des signes radiographiques d’arthrose de la hanche à 5 ans.

L’obésité, un facteur prédisposant et aggravant ?

L’étiologie de l’arthrose associée à l’obésité reste donc encore floue. L’effet du surpoids sur la biomécanique de l’articulation soumise à compression chez l’homme ou chez l’animal est la première cause supposée d’apparition de maladie dégénérative articulaire. Néanmoins, une étude chez l’homme montre une prévalence augmentée de l’arthrose des articulations de la main chez l’individu obèse. Ces articulations ne supportant pas le poids du corps, on suppose que l’obésité s’accompagne d’un état inflammatoire systémique qui devient facteur de risque d’apparition d’arthrose.  En effet, le tissu adipeux chez l’homme comme chez l’animal sécrète une grande variété d’adipokines, suggérant que des facteurs métaboliques associés à l’obésité sont présents, indépendamment du risque de développer de l’arthrose.  
Les médiateurs inflammatoires produits par le tissu adipeux incluent des cytokines (MMPs, IL1, IL6 et TNF-alpha), et des adipokines (leptine, vistafine, adiponectine et résistine). Le rôle exact des cytokines n’est pas encore clair mais on les trouve au sein des tissus enflammés de l’articulation synoviale lors d’arthrose, ils sont médiateurs de la dégénérescence du cartilage.

Le tissu adipeux endocrine, un responsable de l’aggravation de la maladie dégénérative articulaire.

Une étude récente sur les articulations de la hanche et du genou chez le chien montre une concentration augmentée d’adipokines  dans le fluide synovial, la graisse du coussinet intra-patellaire, les chondrocytes et synoviocytes, associée positivement à la sévérité de l’arthrose. Chez l’homme, on a montré que l’expression de la leptine et de ses récepteurs étaient majorée au sein du cartilage arthrosique en comparaison avec un tissu sain, ainsi qu’en cas d’arthrose avancée en comparaison avec une arthrose débutante. La leptine, produite par les adipocytes, joue un rôle de régulation de l’appétit par activation de récepteurs hypothalamiques, elle participe aussi à d’autres systèmes biologiques comme la fonction immunitaire ou l’inflammation. Au sein du cartilage sévèrement atteint, la leptine est plus présente chez l’individu obèse en comparaison avec l’individu de poids normal. Ceci suggère une hyperleptinémie locale autant que systémique chez l’individu en surpoids. La leptine présente des effets inhibiteurs à long-terme sur les chondrocytes, et induit la production d’IL-1, de MMP-3 et MMP-9 de manière dose dépendante, ce qui à terme participe à l’effet catabolique sur le métabolisme des chondrocytes.
L’adiponectine est une autre adipokine synthétisée par les adipocytes et par d’autres tissus. Elle est présente en grande quantité dans la circulation systémique et produite localement par les chondrocytes et les fibroblastes synoviaux. Chez l’homme et la souris, les chondrocytes mis en contact avec l’adiponectine produisent des facteurs de stress locaux (NO, MMP-3 et MMP-9), participant à la perte phénotypique des chondrocytes, leur apoptose et à la dégradation de la matrice extracellulaire. La découverte progressive du rôle des adipokines dans la pathophysiologie de l’ostéoarthrose représente une catégorie nouvelle de molécules cibles pour la gestion thérapeutique des malades.

Les maladies associées à l’obésité et leurs participations à l’aggravation de l’arthrose

D’autres pathologies associées à l’obésité semblent participer à l’aggravation de la maladie arthrosique. Chez l’homme, on a supposé que l’athérosclérose de l’os sous-chondral et l’ischémie associée pouvait contribuer à la progression de la maladie. On peut donc se demander si le traitement des états d’hypercholestérolémie chez ces patients freinerait son évolution.
Une association a aussi été établie entre le diabète sucré chez l’homme et l’arthrose des articulations de la main. Le dépôt des produits du métabolisme du glucagon est accéléré chez le patient diabétique au niveau du cartilage articulaire. Cela accroit la fragilité du collagène, augmente la dégradation de la matrice extracellulaire et freine la production des protéoglycanes. Dans le cas où ces produits de dégradation du métabolisme du glucagon favorisent la progression d’arthrose, il peut être intéressant de prévenir et prendre en charge les diabètes de type 2 humains pour réduire la prévalence de l’arthrose chez ces individus.

Conclusion

La relation entre arthrose et obésité est complexe et les découvertes cliniques et thérapeutiques sont encore récentes. Il est communément admis que 4 potentiels facteurs de risques présent chez l’individu en surpoids sont associés au développement de l’arthrose : la composante biomécanique, les adipokines, les maladies vasculaires et endocriniennes. Ceux-ci sont tous des cibles thérapeutiques potentielles pour la réduction de la progression de l’arthrose, chez l’homme comme chez l’animal. A ces facteurs de risques s’associent dans une interaction complexe l’environnement, la génétique et d’éventuels traumatismes ostéo-articulaires.

L’arthrose est une maladie dégénérative qu’on ne peut traiter, il est donc fondamental de prévenir son apparition et ralentir sa progression. La gestion du poids du patient permet de réduire le stress mécanique et organique au sein des articulations touchées. Une fois que l’arthrose se développe, il est important d’adopter une approche multimodale dans la gestion du couple animal/propriétaire. Celle-ci se base notamment sur l’évaluation de la qualité de vie de l’animal, sur la gestion de sa douleur, sur le maintien de son activité mais aussi sur l’apport d’une alimentation adaptée pour le maintien d’un poids optimal.

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