Ruptures de médicaments en médecine vétérinaire
Depuis plusieurs années, les ruptures de stocks des spécialités médicamenteuses se sont accélérées aussi bien en médecine humaine qu’en médecine vétérinaire.
Ces problèmes de disponibilité peuvent avoir des conséquences graves en matière de santé animale et de santé publique sur le terrain. Pour le cas des spécialités vétérinaires, ces ruptures mettent les praticiens en difficulté dans l’exercice de leur profession et de leurs responsabilités vis-à-vis des propriétaires d’animaux et des éleveurs.
Entre janvier 2014 et août 2022, l’ANMV a enregistré 582 déclarations de ruptures avérées. Une rupture est avérée lorsqu’il n’y a plus de produit en stock ni dans l’ensemble du réseau de distribution ni chez le laboratoire exploitant.
Depuis 2015, le nombre de ruptures vétérinaires annuelles varie entre 60 et 80. On observe une tendance à la hausse pour dépasser les 80 ruptures par an ces deux dernières années.
Parmi es 582 cas de ruptures notifiées entre 2014 et 2022 seulement 101 ont été classés comme « critiques » c’est-à-dire susceptibles d’induire un risque pour la santé et le bien-être des animaux, voire indirectement pour la santé humaine (ORAND, 2023).
Une rupture est dite critique lorsqu’elle est susceptible d’introduire un risque pour la santé humaine, la santé et le bien-être des animaux. L’analyse de la criticité tient compte de différents critères : impact de la rupture sur la santé humaine et la santé animale, autres médicaments disponibles pour la pathologie concernée et parts de marché respectives, durée estimée de la rupture, impact économique de la rupture sur la filière concernée (aviaire, équine…). En 2022, 24 nouvelles ruptures critiques ont été signalées sur le site internet de l’Anses contre 6 en 2021 [Rapport annuel 2022 de l’ANSES publié en Octobre 2023]
L’origine de ces ruptures est multifactorielle et est catégorisée selon 9 grands types de raisons :
- Retard
- Approvisionnement en MPUP
- Qualité
- Problème de production
- Raisons commerciales
- Raisons administratives
- Arrêts de commercialisation
Alors même que les autorités nationales avec le plan France 2030 prévoyant une relocalisation de sites de laboratoires pharmaceutiques et que nos autorités Européennes ont travaillé à la parution d’un guide de bonnes pratiques pour la gestion des ruptures d’approvisionnement d’un médicament vétérinaire, le nombre de ruptures continue de croitre avec un triste record établi en 2022 où les ruptures critiques enregistrées ont été multipliées par 3 en 1 an et le que le nombre de rupture totale a augmenté de 40% en 1 an avec 101 ruptures.
Toutes les classes thérapeutiques ont été touchées avec une importante part pour les vaccins qui représente le quart du marché du médicament vétérinaire en volumes d’achat, toutes espèces animales confondues. Si les vaccins pour chiens et chats étaient les principaux concernés par des ruptures en 2021, en 2022, les ruptures concernent l’ensemble des espèces animales.
Selon le rapport annuel 2022 de l’ANSES sur la surveillance des médicaments vétérinaires en post-AMM, les ruptures se répartissent selon les classes thérapeutiques suivantes :
A chaque rupture classée critique, c’est-à-dire avec des conséquences sanitaires, l’ANMV met en place des solutions et diverses possibilités sont envisageables comme par exemple :
- L’importation de médicaments équivalents en provenance d’autres États membres
- Autorisation de commercialisation de médicaments dérogeant à la globalité des spécifications du dossier d’AMM comme par exemple
- Une libération exceptionnelle d’un lot si l’ANMV estime que le lot ne présente pas de risque sanitaire en regard de la criticité de la rupture
- D’une demande de prolongation de la date de péremption sur la base d’analyses complémentaires démontrant le maintien de l’efficacité du médicament
- Des dérogations peuvent être accordées à l’obligation de la fourniture d’un CEP (certificat de conformité à la Pharmacopée Européenne) pour une matière première lorsque par exemple le fournisseur est unique au monde et le manque de fabrication des médicaments concernés serait fortement préjudiciable
- La rédaction de fiches d’information à destination principalement des vétérinaires pour les informer au mieux de la situation et leur présenter les alternatives identifiées lorsqu’elles existent. Ces fiches sont mises à jour régulièrement jusqu’à ce que la rupture soit terminée.
Que cela soit dans le cadre d’une rupture critique ou pas, le vétérinaire clinicien pourra donc avoir recours à la préparation extemporanée vétérinaire pour pallier la rupture de spécialités.
La préparation extemporanée vétérinaire est définie à l’article L5141-2 du code de la santé publique. Il s’agit d’un médicament vétérinaire préparé de façon extemporanée pour un patient donné sous un conditionnement particulier et caractérisé par une dénomination spéciale (article L5141-1 du CSP). La préparation magistrale vétérinaire extemporanée doit être préparée par une personne habilitée, pharmacien ou vétérinaire sur présentation d’une prescription vétérinaire. Cette prescription vétérinaire est possible dès lors qu’aucune spécialité pharmaceutique vétérinaire autorisée dans un état membre de la communauté européenne ou qu’aucune spécialité pharmaceutique humaine autorisée n’est disponible en France (articles 112 à 114 du règlement (UE) 2019/6), c’est-à-dire en respectant le principe de la cascade vétérinaire.
Le recours au dispositif de la cascade s’étend désormais de plus en plus aux ruptures d’approvisionnement en spécialités pharmaceutiques vétérinaires.
Lorsque le vétérinaire ne pourra pas avoir accès à une spécialité de façon temporaire ou définitivement, que cela soit lié à un retrait ou à une suspension d’autorisation, à un arrêt de commercialisation mais aussi à un d’approvisionnement, il pourra faire appel à la préparation magistrale vétérinaire. Sauf dans le cas des situations d’urgence médicale, la rupture de stock dans l’établissement de soin vétérinaire ou à la centrale d’achat ne constitue pas un motif d’indisponibilité de spécialité tel que l’entend le législateur dans le cadre du respect de la cascade.
L’ordonnance mentionnant une préparation magistrale vétérinaire sera rédigée obligatoirement avec la mention « Prescription selon l’article 112 du règlement EU 2019/6 ». La rédaction d’une ordonnance et l’administration d’une préparation magistrale vétérinaire relèvent de la responsabilité du vétérinaire prescripteur même si le traitement est administré par le propriétaire de l’animal (Article L5143-4 du CSP).
La réalisation de préparations magistrales stériles ne sont pas réalisables par les pharmacies sous-traitantes ni par les vétérinaires. Les ruptures de collyres ou de médicaments en injection parentérale ne pourront malheureusement pas être palliées par la production de préparations magistrales car seules les structures hospitalières humaines sont en capacité de garantir la qualité des préparations stériles mais ces dernières n’ont pas l’habilitation pour fournir le circuit vétérinaire.
Rédaction : Drs F.Tornabene / N.Baillié
Pharmacie et Préparatoire France Prep